Le ministère de l'éducation de l'Ontario encourage une bonne communication entre le foyer et l'école et incite les parents à participer à la vie de l'école pour favoriser la réussite de leur enfant. Cependant, lorsque les parents défendent les intérêts de leur enfant, en particulier s'il s'agit d'un enfant ayant des besoins particuliers, le silence se fait au lieu de chanter des louanges. En outre, les enseignants-parents qui défendent les besoins de leurs propres enfants à l'école sont carrément rejetés et peuvent même limiter leur carrière. La dichotomie de cette réalité est stupéfiante.

Combien d'enseignants-parents ne révèlent pas à l'enseignant de leur enfant qu'ils sont eux-mêmes membres de la profession ? Que leurs demandes et leurs questions sont formulées dans un langage simple afin de ne pas révéler leur connaissance des termes à la mode dans le domaine de l'éducation ou leur formation pédagogique ? C'est ce qu'on appelle se protéger dans un milieu professionnel où tout commentaire peut rapidement être retourné contre un enseignant-parent par un collègue auprès du syndicat, de l'employeur ou de l'organisme de réglementation de la profession, l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario.

Les enseignants-parents constituent le groupe d'employés le plus vulnérable du secteur de l'éducation. Ils subissent des représailles lorsqu'ils défendent les intérêts de leur enfant, ou leur enfant subit des représailles de la part d'un enseignant ou d'un autre membre du personnel de l'école s'il représente un défi pour le personnel, ou si le parent est perçu comme un parent "difficile". La communication entre l'école et la maison, qui est censée être nourricière, se transforme en conversations tactiques, stratégiques et soigneusement négociées entre - non pas un parent et un éducateur - mais entre des professionnels qui s'efforcent de trouver un équilibre entre leurs rôles hiérarchiques, leurs responsabilités professionnelles et un traitement équitable dans une situation toujours délicate. Mais la pensée non exprimée au cours de toute réunion est que l'enseignant-parent cherche à obtenir un traitement spécial pour son enfant parce qu'il connaît le système et qu'il veut le faire tourner en sa faveur.

Un conflit de conscience pour tout parent-enseignant qui tente de trouver un équilibre entre les droits de son enfant et ses propres droits à exprimer l'intérêt supérieur de l'enfant en tant que professionnel. Il est clair que les enseignants-parents ne sont pas considérés comme des professionnels à part entière, puisqu'on leur a spécifiquement dit dans ce type de situation qu'ils sont d'abord des enseignants et ensuite des parents dans le cadre de la profession qu'ils ont choisie. D'où le terme "enseignant-parent" et non "parent-enseignant", qui peut désigner les parents qui choisissent de scolariser leurs enfants à domicile.

Alors, où se situe le "in loco parentis " (dans le rôle de parent) mentionné dans la loi sur l'éducation de l'Ontario comme le devoir d'orientation d'un enseignant, dans le contexte des enseignants-parents ? Pourquoi un rôle est-il réduit au profit de l'autre dans la réalité quotidienne de la vie scolaire, alors que la législation met les deux rôles sur un pied d'égalité ? La réponse se trouve dans la culture des conseils scolaires, les rôles autoritaires établis par un système construit sur la base d'une structure militaire historique vieille de plusieurs siècles, un environnement où l'on ne pose pas de questions et qui est déconnecté de tout le battage publicitaire en faveur de la collaboration.

L'action militante d'un enseignant-parent va à l'encontre de l'ordre établi, ce qui limite sa carrière. Étant donné le caractère hautement politique de l'éducation en Ontario, les employeurs des conseils scolaires jouissent d'un statu quo dans lequel l'excellence et la pensée critique sont encouragées chez les élèves, mais seulement dans une mesure créative, et non dans le contexte de la défense du changement. Les enseignants-parents qui défendent activement les intérêts de leurs enfants dans le conseil scolaire où ils travaillent ne sont pas des candidats à la promotion, de peur qu'ils ne perturbent le statu quo et ne promeuvent des changements qui profiteraient réellement aux élèves du système, car l'expérience parentale de première main peut donner naissance à des solutions novatrices dans le secteur de l'éducation.

Le modèle de services aux élèves actuellement en place serait très rafraîchissant. Quelle innovation que de voir l'expertise des enseignants et des parents influencer la politique et la pratique des conseils scolaires. Quelle riche ressource de solutions potentielles se trouve dans le réservoir non reconnu de l'expérience des enseignants-parents.

La défense des intérêts est perçue comme une perturbation du statu quo, présentant une menace de changement susceptible de créer de nouveaux précédents pouvant avoir des implications juridiques pour les employeurs des conseils scolaires. Il n'est pas surprenant que les conseils scolaires ne figurent pas sur la liste Fortune 500 des meilleures organisations pour lesquelles travailler. Le fait de dévaloriser les enseignants-parents pour leur expertise combinée ne les aidera jamais à figurer sur cette liste.

Les enseignants-parents doivent donc choisir entre la défense de leurs enfants d'abord et leur carrière ensuite. Souvent, ils transfèrent leurs enfants dans un autre conseil scolaire (perdant parfois les droits conférés par la Charte), cherchent des ressources supplémentaires pour leur enfant en dehors de l'école ou font l'école à la maison. Les parents-enseignants des zones rurales et isolées qui n'ont pas accès à d'autres options sont les plus pénalisés. Lorsqu'ils défendent leur enfant, cela nuit à leur carrière, car si l'école à la maison est leur seule option, ils perdent entièrement leur carrière.

Le fait d'être coincé dans une carrière sans possibilité d'avancement ou de renoncer à une carrière pour le bien de son enfant est financièrement et moralement débilitant. Plus important encore, étant donné que le secteur de l'éducation est majoritairement féminin, ce revers de carrière a un impact aigu, une fois de plus, sur tout progrès réalisé dans le déséquilibre des revenus professionnels entre les hommes et les femmes pour les familles de l'Ontario.